Immigration: ruée des jeunes béninois vers le Nigeria malgré ses difficultés économiques

Kunle Adebajo (Pour ICIR)
publié le Feb 12, 2020
L’économie du Nigéria n'est pas encore complètement rétablie de la récession de 2015. Mais les jeunes immigrants béninois semblent ne pas s'inquiéter. Pour eux, la vie au Nigéria est mieux que celle au Bénin.

Gyaume Gohoundgi a dû abandonner l'école primaire après le décès de son père en 2003. Il est reporté qu’un sur dix enfants béninois aurait perdu un ou ses parents, des orphelins sont trouvés presque à chaque coin, en particulier dans la localité de Zakpota. Et, comme d’autres enfants qui n'ont pas de parents, le jeune homme de 12 ans (Gohoundgi) n’avait personne pour s’occuper de ses frais de scolarité ou même de ses besoins quotidiens. Il ne voyait devant lui qu'un seul sentier lui promettant une survie et une stabilité financière. Ce sentier l’a conduit au Nigeria.
Malgré qu'il soit petit, Gohoundgi s'est rendu dans le pays voisin (Nigéria) l'année suivante dans l'espoir d'acquérir des compétences qui lui permettraient de gagner sa vie. Il a passé les quatre années suivantes dans un atelier de couture à Ibara-Orile, à Abeokuta, dans la région d'Ogun, en apprenant le métier. Puis, quand il a découvert qu’il avait besoin de l'argent pour ouvrir son atelier de couture, il a pris une moto en versement partiel et s’est aventuré dans le travail de motocycliste (zémidjan) pour gagner de l'argent.
Heureusement, conduire et travailler comme motocycliste était facile pour lui parce qu'il avait déjà deux frères aînés qui travaillaient comme motocyclistes (zémidjan) au Nigéria ainsi que des ouvriers dans des fermes et des carrières. Finalement, en 2017, il est retourné à Zakpota et il s'y est installé pour ouvrir son atelier, Bonté Couture.
Aujourd'hui, Gohoundgi a 28 ans avec quatre jeunes apprentis. Il ne leur apprend pas qu’à coudre mais il leur donne aussi à manger parce qu'ils n'ont aucun moyen pour survivre, et se débrouillent.
Le fait d’avoir vu Gohoundgi revenir du Nigéria avec de beaux vêtements, une moto et une grosse somme d'argent, pousse beaucoup d'enfants ou jeunes de Zakpota a également souhaité avoir l’opportunité de tenter leur chance au Nigéria.
"On veut que mes petits frères fréquentent, mais ils disent qu'ils veulent aller au Nigéria", déclare Gohoundgi, assis avec ses jambes croisées sous un arbre et entouré de trois de ses apprentis et des enfants devant son atelier de couture à Zakpota.
« Je leur dis que nos frères qui sont au Nigéria travaillent vraiment dur ; ils souffrent. Un de mes frères a passé de nombreuses années au Nigéria, mais à son retour, il n’a rien ramené. Si je n’avais pas appris un métier ou travaillé dans une carrière, puis comme cultivateur dans le champ des gens au Nigéria, j’aurais eu à recommencer à zéro, aujourd'hui »
Mais un tel conseil à la prudence ne dissuade pas beaucoup de jeunes ici. La vie est dure pour l’enfant béninois moyen. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, malgré la gratuité de l’enseignement à l'école primaire depuis 2007 qui a amélioré les inscriptions depuis lors, près de 500 000 enfants (39%) n’ont pas l’accès à l’éducation primaire.
Dans les communautés à faible revenu comme Zakpota, le travail des enfants est la norme quotidienne. Les dispositions du Code du travail et de l’enfance du Bénin stipulent que l’âge minimum pour travailler est de 14 ans, mais 21% des enfants de 5 à 14 ans travaillent comme des adultes et 16,3%0 de ceux-ci travaillent et étudient à la fois.
Chaque année, beaucoup d'enfants sont victimes du trafic au Nigéria. Contrairement à Gohoundgi qui était apprenti, la plupart d’entre eux sont utilisés comme des boys ou bonnes, des vendeurs ambulants ou sont forcés de travailler sur des champs et les carrières éloignés. La tendance s'est poursuivie malgré le fait que le travail au Nigéria ne soit plus aussi rentable qu’auparavant.
En 2015, selon les chiffres du taux de change fournis par la Banque centrale du Nigéria (CBN), il était possible d'échanger 3, 260 Naira contre 10. 000 francs CFA. Mais aujourd'hui, pour avoir 10. 000 francs CFA vous aurez besoin de plus de 6, 000 Naira.
